Flash Info 204 : NTF et la FEBHEL alertent sur la future Directive européenne RED III

Dernière mise à jour le 28 Mar. 2023

logos NTF et FEBHEL
NTF, l’association des propriétaires ruraux de Wallonie et FEBHEL, la Fédération Interprofessionnelle Belge du Bois Energie alertent sur le non-sens écologique, climatique, économique et sylvicole de sortir la biomasse forestière des énergies renouvelables dans le cadre de la future Directive européenne RED III. 
Elles appellent les élus et les pouvoirs publics à s’opposer aux nouvelles dispositions prises par le Parlement européen sur la biomasse forestière qui actent son exclusion des énergies renouvelables.
 

À l’approche de l’éventuel dernier trilogue cette semaine sur la Directive sur les énergies renouvelables (REDIII), les propriétaires forestiers wallons et la filière belge de bois énergie sont profondément préoccupés par la tournure que prennent les discussions. La proposition RED III propose en effet de limiter l’utilisation de bois rond de qualité industrielle et des débris ligneux grossiers dans le chef des installations thermiques et électriques ayant une puissance supérieure à 7,5 MW. Si aucune interdiction de production et d’utilisation de ces types de bois n’est prévue à ce stade, les propositions visent à ce que leurs utilisations à des fins énergétiques ne puissent plus contribuer d’une part aux objectifs nationaux de production d’énergie renouvelable, et d’autre part, ne puissent plus faire l’objet d’aides financières.

 

Pour NTF et la FEBHEL, cela revient à vouloir exclure progressivement la biomasse forestière des énergies renouvelables (RED IV et V sont en effet déjà annoncés).

Selon nos premières informations, l’exclusion du bois rond de qualité industrielle et des débris ligneux grossiers dans la comptabilité RED III pour atteindre l’objectif Zéro Carbone en 2050 mettrait la Région wallonne en défaut de pouvoir répondre à cet objectif, de telle manière qu’elle devrait d’ores et déjà revoir ses calculs et chercher de nouveaux débouchés dans d’autres secteurs renouvelables (ou des secteurs non carbonés comme le nucléaire…). On parlerait facilement de 20% à aller chercher ailleurs (information en attente par Valbiom). La Région wallonne est pourtant en train de confirmer auprès de sa population les incitants financiers fédéraux et régionaux (entre 250 et 6000 €) pour remplacer les installations de chauffage utilisant des énergies renouvelables dont les produits du bois, donnant ainsi le message qu’il s’agit d’une ressource locale accessible et à un prix stable.

 

Quelques données intéressantes : (source : Febhel, Fédération Interprofessionnelle Belge du Bois Energie)

  • Le chauffage représente plus des trois quarts (76%) des besoins énergétiques des ménages wallons ;
  • 87 % des besoins en chaleur sont encore couverts par des sources non renouvelables comme le gaz naturel et le mazout de chauffage notamment ;
  • 450.000 logements wallons se chauffent pour tout ou en partie au bois ;
  • 75% de la chaleur renouvelable produite en Wallonie l’est à partir du bois, sous toutes ses formes (70 % bois bûches, 28 % pellet et 2% bois déchiqueté (plaquettes)).
 

Les définitions


Concernant l’inclusion de « bois à pâte et de tout autre bois rond impropre à un usage industriel », pulpwood and all other roundwood unsuitable for industrial use

La définition de compromis actuelle serait impossible à mettre en œuvre dans la pratique. Habituellement, lors des opérations d’éclaircie, le bois de petit diamètre est collecté en un seul tas et séparé du bois rond de haute qualité. En raison de la logistique, les camions ramassent une charge complète de biomasse ligneuse qui se compose de bois de différentes dimensions. Ceux-ci seront ensuite vendus à des usines de bioproduits ou d’énergie, selon l’emplacement, le prix, et la demande actuelle du marché.

La proposition actuelle ne permettrait plus, surtout aux petits propriétaires forestiers, de mettre en vente leur biomasse ligneuse “conforme” aux entreprises énergétiques locales, ces dernières devant alors recourir à d’autres combustibles notamment fossiles. Une perte de revenus pour les forestiers pourrait alors entrainer une démotivation dans le chef de nombreux forestiers à poursuivre la gestion active de la forêt.

 

Concernant la définition des “débris ligneux grossiers”, coarse woody debris

Cette proposition de dernière minute serait extrêmement difficile, voire impossible, à mettre en œuvre dans la pratique puisqu’il est impossible de séparer les résidus de récolte en fonction de leur taille exacte lors des pratiques de récolte. Et s’il s’agit d’imposer une quantité XX de bois mort laissée en forêt, cela dépend toujours des conditions locales. La même quantité de bois mort ne peut pas être laissée dans les forêts de toutes les régions européennes, car elle peut accélérer la propagation des dommages forestiers, tels que les ravageurs et les incendies de forêt.

Par ailleurs, la charge administrative impliquée par ces définitions aura une incidence sur les investissements futurs, et donc sur les prix et les choix des consommateurs en matière de sources d’énergie plus durables. Globalement, ces définitions entraîneront dans la réalité de nombreux effets contre-productifs pour atteindre les objectifs de l’UE de décarbonisation de l’Europe.

 

Elargissement du champ d’application du principe de la cascade aux connexes d’industries du bois (article 3.3)

Enfin, il ressort que le nouveau compromis introduise une obligation de dernière minute, avec l’application obligatoire du principe de cascade rigide, et non plus sous forme de bonnes pratiques publiées par la Commission en 2018. En 2007, la Commission avait pourtant, dans une communication interprétative, précisé, juridiquement, que les produits de l’industrie du bois sont des co-produits et non des déchets. Leur inclusion dans la cascade constitue donc une erreur d’appréciation. Ces co-produits issus du sciage ou du déroulage constituent, pour les industries de première transformation, un élément essentiel de leur compétitivité et une part majeure est autoconsommé in situ, dans une logique de circuit court, d’optimisation et d’usage durable de la ressource bois. Une part majoritaire de ces connexes n’intéresse aucune autre industrie, y compris panneaux et pâte à papier. C’est le cas des écorces, par exemple.  Il pourrait dès lors être intéressant soit de retirer ce point de l’article 3.3b), soit au minimum d’ajouter des dérogations en iiii) au 3.3b) pour les bois de qualité touchés par les facteurs abiotiques, les bois affectés par la sécheresse, et les éclaircies y compris dépressage (qui sont nécessaires à la conduite forestière, pour l’obtention de bois d’œuvre de qualité qui réponde aux objectifs de stockage durable).

 

En conclusion, pour NTF et la FEBHEL, il y a un très grand risque qu’avec une règlementation européenne inappropriée dévalorisant la production d’énergie renouvelable issue du bois, la filière économique locale du bois soit fragilisée, la gestion forestière soit pénalisée, et donc sa résilience face au changement climatique et aux incendies de forêt. Les ménages wallons ayant investi dans les nouvelles installations de chauffage à base de produits issus du bois rencontreront par ailleurs des difficultés d’approvisionnement d’une matière pourtant renouvelable et promue par tous les médias actuellement !

Tout ceci nous apparait en totale contradiction avec les objectifs climatiques européens et wallons !