Coefficients de fermage 2021 : de quoi rester démotivé !

Dernière mise à jour le 8 Oct. 2021

C’est au risque de se répéter une fois de plus... Les coefficients de fermage pour l’année 2021 ont été publiés au Moniteur belge. Certains coefficients sont en légère hausse, notamment dans les « bonnes » régions mais, globalement, le constat reste mitigé.

La nouvelle méthode de calcul des coefficients de fermage mise en place par le décret de 2016 a donc pour la cinquième année produit ses résultats. Etant donné que ni la méthode (pour rappel : revenu cadastral x coefficient intégrant une pondération entre l’évolution du revenu agricole (50%) et l’évolution de l’index des prix à la consommation (50%)), ni la manière de calculer le revenu agricole à l’hectare n’ont été modifiés, il n’y avait pas lieu d’espérer de grands changements. Toutefois, lors de notre rendez-vous annuel sur la question avec le Ministre de l’Agriculture Willy Borsus, depuis la deuxième année, nous avons mis sur la table le fait qu’avec ce nouveau système, le bilan des 5 années nous donne une diminution cumulée moyenne de 15% des fermages, ramenant la majorité des coefficients à leur niveau de 2008 et annulant ainsi les augmentations obtenues en 2011 et 2014 par les représentants de NTF au sein des commissions de fermage comme cela était prévu dans l’ancien mécanisme. Alors chacun viendra avec ses arguments : « la méthode est objective, les dernières années agricoles ont été catastrophiques, il s’agissait de ne plus être bloqué par une commission agricole qui ne décide pas etc… » Quoiqu’il en soit, personne ne pourra réfuter que cette baisse constante est en opposition avec l’objectif de remotiver les bailleurs et de les garder dans le bail à ferme

 

Les solutions existent

NTF a dès lors demandé au Ministre d’envisager des pistes de solution. On se répètera : soit remettre une commission de concertation entre bailleurs et locataires au niveau de la Région, comme la Flandre l’a instaurée, ou encore exonérer le précompte immobilier quelle que soit la durée du bail à ferme ou même plus radical, ne plus baser le coefficient sur le revenu agricole du locataire (méthode archaïque d’un autre temps). Ces propositions nécessitent toutefois une modification par voie décrétale, ce qui veut dire discussions au Parlement de Wallonie dans le cadre d’une Déclaration de Politique Régionale qui ne prévoit pas de modification dans le cadre du bail à ferme. Le Ministre, Monsieur Borsus, ne s’est pas montré fermé à nos propositions mais a joué la transparence en nous disant qu’une nouvelle orientation ne se ferait pas sans obstacle, notamment de la part des syndicats agricoles.

Mais il faut vouloir le changement

Une fois de plus, la question est de savoir si on ose aborder les vrais problèmes et arrêter de se voiler la face.  Du point de vue du bailleur (non-agriculteur), une terre agricole occupée en bail à ferme ne lui rapporte que 200€/ha par an en moyenne, et après déduction des taxes, il lui reste un petit 100€ en poche. S’il souhaite vendre la terre, il en obtiendra 36% de valeur en moins parce qu’en bail à ferme (rapport 2020 de l’Observatoire foncier). S’il souhaite y mettre fin, il devra négocier avec le locataire qui lui demandera sans honte une indemnité de sortie équivalente parfois à 50 ans de fermage. Et s’il propose de convertir le bail ancestral en bail de longue durée, là aussi le locataire voudra négocier, sans compter le coût des frais de notaires (min 2000€ pour un contrat de bail à ferme, soit près de 20 ans de location pour 1Ha loué, ce qui est fréquent…)

Sans compter les autres problèmes du bail à ferme

Entré en vigueur il y a un an, le décret sur le bail à ferme doit faire ses maladies de jeunesse, disent les agriculteurs, le politique et les spécialistes du droit. Et pourtant, chez NTF, nous savons sans devoir être des prédicateurs que les modifications par le décret ne suffiront pas à remotiver les bailleurs. Cette première année n’a pas montré beaucoup de mouvements à propos du passage au bail écrit, l’Observatoire foncier en a reçu très peu. Sachant que, en 2019 (toujours d’après le rapport 2020 de l’Observatoire du foncier agricole : https://ntf.be/observatoire-du-foncier-agricole-wallon), 1 acquéreur sur 3 était un agriculteur, cela voudrait dire qu’une grande part des terres agricoles sont vendues pour être exploitées en pleine propriété ou sont en passe de l’être puisque l’acquéreur/agriculteur peut récupérer la terre en bail très facilement depuis le nouveau décret. Et quand on sait que les agriculteurs se louent les terres entre eux pour des montants nettement supérieurs au fermage légal (entre 400 et 1200€/ha, dixit José Renard, Secrétaire Général de la FWA à la Radio Première (voir l’article page 15 du MTMB23), il ne faut pas être bien malin pour comprendre qu’on s’oriente vers un mécanisme d’achat de terres par une catégorie sociale d’agriculteurs au détriment d’une autre… Les agriculteurs d’aujourd’hui ont-ils dès lors intérêt à ignorer les atouts d’avoir de bonnes relations avec les bailleurs non-agriculteurs. Allez soyons bon joueur, disons les choses autrement… : les locataires de demain ne pourront plus ainsi jouer de l’ignorance des bailleurs d’aujourd’hui !

 

Au demeurant…

Il nous semble évident par conséquent que le minimum que nous puissions faire dans l’immédiat est de manifester une fois de plus concrètement notre opposition au mécanisme actuel du calcul des coefficients de fermage. Et ce, en déposant une fois encore, en collaboration avec le SNPC rappelons-le, une action en annulation auprès du Conseil d’Etat contre le dernier arrêté ministériel, sachant que les autres actions des années précédentes sont toujours en cours et pour lesquelles nous espérons une décision en 2021.

 

Coefficients valabes pour 2021: